Elle fait autre chose.
Elle attend le moment propice.
Un après-midi. Elle reçoit un message.
Elle ne sait que croire. Que penser.
Plus tard. Un autre message. Une invite. À aller aux bains des Pâquis. Au sauna. Avec lui. Gonflé. Le mardi. Pas de chance. Elle en profite pour le faire venir. Pour des prunes. Un lapin. Faramineux.
Ce mardi-là, elle attend le passage de la camionette jaune. Planquée.
Ensuite, elle monte les douze virages en épingle à cheveux.

Dans son sac, un petit pot. Pas de beurre. De la peinture. Un pinceau. Elle va dans le petit chalet. Peindre dans la chambre à coucher. Des mots indélébiles. Devoir poncer les parois en bois foncé. Pour les faire disparaître. Elle répète la liste plusieurs fois. Pour ne pas oublier. Sur la porte d’entrée, d’abord. Dans la chambre à coucher. Sur les parois et au plafond. Appliquée. En blanc phosphorescent. Pas de la dispersion. Ça s’efface trop facilement.
Lui, cet après-midi-là, il doit aller acheter du foin pour O., puis des batteries pour le ratrak. Son temps compté. Avant de voler à Genève. Au sauna. La rejoindre. Son motif d’excitation.

Beaucoup de neige. Son instinct de prédateur. Là-bas. Près du long bout droit. Les cerfs se tiennent. Il a toujours un petit calibre. Dans la camionnette jaune. Deux cerfs près de la route. Lui pressé. Si un des deux s’arrête. Je tire. Un des deux s’arrête. Il tire. Une mauvaise idée. Plus. Une monstre connerie. Dont, il se rend compte immédiatement. La neige. Le sang. La braconne. Les traces. Un jeune cerf. Il a beau être jeune, il pèse quand même quatre-vingts kilos. Sur le dos, avec plus d’un mètre de neige. Trop tard. Atteint à la tête. Il se relève. Et s’enfuit. En direction des vignes. Du bas. Il craint qu’il ne lui échappe. Des murs de neige à franchir pour traverser la route. Il le rattrape. Pour l’achever au couteau. Mais le sang dans la neige. Les traces. Et si quelqu’un montait. Les bûcherons. Le garde-forestier. Il doit courir pour être à l’heure à Genève. Dix-neuf heures pile. Le sauna ferme à vingt heures trente. Elle l’a dit. Grouille-toi. Trop tard. Ça ne vaut pas la peine. Elle est exigeante. Ces problèmes pratiques. Porter un cerf sur son dos. Alors, il le planque. Et court à son désir. Pour se retrouver un mardi soir. Jour des femmes. Au sauna. Au bout du lac. Elle n’est pas là. Elle doit être dedans. Il se dit. Bien fait pour moi. Il remonte vite dans sa montagne. Pour s’occuper du cerf. Vite monter à la ferme pour voir si quelqu’un est sur le pâturage. Une voiture non-identifiée. Qui l’empêche d’agir. Et déjà visible de la route. Inscrite sur la porte du petit chalet. Une belle phrase. En blanc. Qu’on peut croire phosphorescent. Les inscriptions. Faites en son absence. Juste quelques heures. Ça sentait le brûlé. Rien de bon. Un pigeon. Qui court. Plutôt vole. Vers son désir. Et se fait pigeonner. Attraper bêtement. À faire des bêtises. Il doit laisser le cadavre. Du cerf. Aux rapaces. Effacer au mieux les traces. Le sang. Et les pas. Quel idiot. Quel effort. Il y a un mètre de neige dans la forêt. Un cerf de quatre-vingts kilos. Un don du ciel. Aux rapaces.
Extrait de la « Remuée »